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Une analyse critique de films, livres, opéras et expositions de peinture

LA VIE DE GALILEE A LA SCALA

          Le Théâtre n'est pas un art qui m'intéresse vraiment. Il n'y a guère que Shakespeare (qui m'envoûte) et Feydeau (qui me fait rigoler ce qui, au vu de mon caractère grognon, est un exploit) qui m'incitent à me déplacer. Et Bertolt Brecht
          Ah! Brecht! dans ma jeunesse militante j'ai dû tout voir. Et j'ai eu envie de me re-confronter à La Vie de Galilée (pas revu, pas relu depuis Marcel Maréchal aux Amandiers, il y a..... des décennies?), monté à La Scala par Claudia Stavisky (directrice du Théâtre des Célestins de Lyon; le spectacle est d'ailleurs une coproduction avec les Célestins) autour de Philippe Torreton.
          Cela m'avait laissé le souvenir de quelque chose d'un peu long, d'un peu verbieux, d'un peu ennuyeux sans doute. 
          Mais avant de décrire l'enthousiasme qui a été le mien après ce spectacle, quelques mots sur La Scala. Jeune théâtre privé qui a pour ambition d'égaler les grands théâtres publics (style Nanterre, justement). Dans ce quartier qui est celui de Paris que je déteste le plus.... où pullulent ces théâtres de boulevard où l'on assiste à des caleçonnades, sur des fauteuils en peluche tout sales avec les genoux sur le menton, je ne m'attendais pas à cela: une salle toute neuve très pentue, d'où l'on voit bien de partout donc, et où les spacieux fauteuils sont plus que confortables. Cela ressemble plus à une moderne salle de cinéma. Et tout le personnel est charmant. Alors, vive La Scala!!
          Pourquoi cet enthousiasme? Parce que Brecht a écrit pour nous, gens du 21ème siècle. Car, au moment où il écrivait, l'affaire semblait pliée. La science avait gagné! Surtout pour un bon marxiste, la science avait définitivement cloué le bec à la religion. Galilée, c'était de l'histoire. Si Brecht revenait parmi nous et s'apercevait qu'en 2019, on ne peut plus enseigner l'évolution à l'école, ici à cause des créationnistes protestants, là à cause des musulmans, il n'y croirait pas: il s'imaginerait en plein cauchemar..... Toutes les religions ont gagné, même les plus laïques. Voyez ces politiques qui inaugurent des éoliennes avec un air ravi, alors qu'ils savent très bien que c'est une centrale nucléaire qu'il eût fallu implanter.... mais la bigoterie anti-science est en marche! C'est pourquoi la Vie de Galilée nous interpelle profondément. 
          Reste aussi la discussion, toujours valable, sur la place de la science dans notre société. Doit elle être recherchée à tout prix? Ou bien, seulement dans ses aspects qui apportent un bien à l'humanité? Exactement la question qui se pose, à l'heure actuelle, autour de la recherche spatiale.

        C'est une bonne trentaine d'années (au moins) de cette vie qui défile, dans des décors réduits à l'essentiel, l'appartement de Galilée à Florence, celui de Rome, quelques palais pontificaux ou ambassades esquissés à grands traits. Et ces décennies, elles passent à travers un Torreton magistral. Du jeune mathématicien adulé (sa lunette astronomique va être très utile en temps de guerre! et les recherches en physique, mécanique, qu'il poursuit par ailleurs ont certainement contribué à lui éviter le sort fâcheux d'un Giordano Bruno), sûr de lui, sûr de ses découvertes, sûr de sa science, hâbleur, faisant des grands gestes pour ponctuer ses démonstrations, jusqu'à ce vieil homme voûté, recroquevillé sur lui même, amer, honteux. Son plus fidèle élève -qu'il a tant déçu! veut encore croire en lui "mais, Maître, quand vous vous êtes renié, c'était une ruse, n'est ce pas? C'était pour pouvoir rédiger en secret vos Discorsi qui résument vos travaux et qu'on pourra diffuser dans le monde, n'est ce pas?" Non, répond Galilée; "j'ai abjuré parce que j'ai eu peur de la souffrance physique". Terrible!


          Personnage magnifique dans ses contradictions, quel rôle! Brecht, homme complexe, et de plus en plus flou sur le plan politique, y a certainement mis beaucoup de lui même... Galilée aime par dessus tout la science et la vérité. Mais il aime aussi le vin, la nourriture, l'approbation des autres, toutes ces petites choses qui font qu'en fait, grand savant, il n'est peut être qu'un petit homme...
          Au tour de lui, de multiples personnages, dont on retiendra le terrifiant inquisiteur de Michel Hermon, Frederic Borie, Benjamin Jungers, et deux femmes seulement: madame Sarti, la gouvernante, et un peu plus que cela sans doute (Nanou Garcia) et Virginia la fille de Galileo (Marie Torreton), dont il a sacrifié la vie, car son fiancé était noble, et les nobles ne veulent pas de filles de rebelle..
          Enfin, c'est dans cette pièce que l'on entend ce qui est peut être la plus belle phrase de théâtre: Malheur au peuple qui a besoin de héros!
          Les héros, ils s'appelaient Hector, pour les uns, Achille, pour les autres. Pour les concitoyens de Bertold, c'était Adolf Hitler. Pour nous, il aurait, en ce moment, le visage rond et la natte d'une petite perroquette suédoise. Misère!!
         

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