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Une analyse critique de films, livres, opéras et expositions de peinture

OTTO FREUNDLICH au MUSEE DE MONTMARTRE

            Je ne suis pas très fan d’Otto Freundlich, et ce n’est pas la petite expo du musée de Montmartre qui me fera changer d’avis, mais l’homme, au-delà de son destin tragique, est intéressant car c’est une belle âme : fidèle à ses convictions, fidèle à l’idée qu’il se fait de son art, il sera blessé d’être affiché comme une tête de file de l’ « Art dégénéré »

            Il verra la partie de son oeuvre restée en Allemagne détruite ; il essayera de refaire de mémoire certaines œuvres, comme acte de résistance et aussi pour témoigner de l’évolution de son travail ; ainsi, cette Gouache de 1941, en haut à droite, est la copie d’un grand tableau peint en 1911

           Puis, Juif et anti-nazi, il mourra en déportation.           

            Certaines de ses phrases, reproduites sur les murs du musée, témoignent de son idéalisme. En 1939 : Que puisse arriver bientôt le jour où les hommes pourront à nouveau construire sur la beauté que les artistes leur offrent. Hélas, ce jour, il ne le verra pas 

           Ne pas s’étonner que le musée ait eu la bonne idée de lui consacrer une petite exposition : il fût de la bande du Bateau -Lavoir…. Où il atterrit en 1908, il a alors trente ans, il devient ami avec Picasso et bien d’autres, Braque, Apollinaire, et se partage entre la France et l’Allemagne. En 1911, il s’installe dans un atelier au 55, rue des Abbesses.

           

          En 1911 il réalise Composition, à gauche sous la photo de Freundlich, un des premiers tableaux abstraits de l’histoire de l’abstraction. D’après le conservateur de l’exposition (certains des commentaires laisseraient cependant à penser qu’il a fumé la moquette…) les couleurs manifestent l’évolution de la société vers un espace harmonieux où tout espace entre l’humain et le cosmos est aboli. Cette œuvre dérive d’un dessin de la même année, Groupe, en face à droite, où sont représentées sept figures, trois d’entre elles aidant les quatre autres à se relever. On retrouve bien, en effet, le mouvement général.

          En 1914, Otto Freundlich va passer cinq mois dans l’atelier de restauration de la cathédrale de Chartres. Il en ressort « marqué pour toujours » Il créera des vitraux lui-même -on en voit un à gauche que je trouve très beau, mais évidemment toute son œuvre ultérieure est basée sur le principe du vitrail : couleur, architecture, pas de perspective et le plus souvent, abstraction : Composition (1919), à droite. En 1916, il écrit : Plus le présent est a-spirituel, plus il est brutal, d’autant plus l’homme doit agir de façon spirituelle et subtile. C’est là que réside la force humaine.

            C’est la guerre. Freundlich voit l’artiste comme un acteur de l’histoire qui doit porter l’art comme un élan vers le spirituel au détriment de la brutalité du contexte. On trouve dans ses œuvres des signes comme « l’œil cosmique »      

           En 1919-1920, il réalise une série de Gravures sur zinc, à gauche « toute ligne tracée par la main est un pont du moi vers le monde extérieur » Ces gravures en ogive sont encore partiellement figuratives, mais tendent vers « l’œil cosmique »

            Fragments de figure à l’ensemble des plans (1927), à droite Un cercle –l’œil cosmique-au milieu d’éléments géométriques, et des demi-ogives.

            En 1930, il devient membre du comité directeur d’Abstraction-Création et commence à être exposé un peu partout en Europe et à être connu. Sa compagne Jeanne Kosnick Kloss partage largement ses options sociales Composition (1930) à droite                   

          Ensuite, bien que vous, pauvre amateur, ayez l’impression que le peintre se répète et fait toujours à peu près la même chose, notre chroniqueur de plus en plus allumé, nous explique que Freundlich commence à  rompre les ensembles chromatiquement homogènes en juxtaposant des éléments et en intégrant notamment la forme en demi-ogive, depuis longtemps latente dans son travail et constituée de deux droites et d’une courbe….. Il s’agit pour lui d’exprimer avec toujours plus de puissance cette universalité humaine qu’il nomme « expérience cosmique »

           La Rosace I (1938) symbolise en foyer spirituel rayonnant éternellement, à gauche.

            Freundlich est aussi sculpteur. Il souhaite marier le figuratif et l’abstrait. On le voit, à gauche dans Sculpture architecturale (1935)

            En 1939, il écrit à Jeanne « Au fond, c’est par notre travail d’artistes que nous pouvons le mieux servie, même en ces temps terribles et inquiétants causés par cette guerre cruelle, afin que la liberté d’esprit soit conservée. Il faut alors doublement faire triompher l’esprit sur la matière"

              Terminons sur ce triptyque en mosaïque de 1938 : Hommage aux peuples de couleur, ci contre à gauche. Reprise d’une gouache qui, grâce à une souscription lancée par Picasso, a pu rentrer au musée du Jeu de Paume. Tous ses amis, Derain, Delaunay, Gropius, Ernst, Leger, Kandinsky....

signent un appel pour le soutenir, car en 1937, c’est une sculpture de 1912 qui a eu le triste privilège d’être en couverture du catalogue de l’exposition itinérante sur l « Art dégénéré » Ses amis artistes voudraient le protéger…. Mais ce qui aurait pu le protéger, un visa pour les Etats Unis, n’arrive pas. Il part dans les Pyrénées mais est dénoncé et part de Drancy vers Sobibor…

            On lit une lettre aussi simple qu’émouvante d’Otto à Jeanne.« je te prie de continuer ton travail d’artiste avec courage et confiance en Dieu »,

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