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Une analyse critique de films, livres, opéras et expositions de peinture

PASRSIFAL A L'OPERA BASTILLE

         Lorsque j'ai vu cette mise en scène pour la première fois, il y a quelques années,  elle ne m'avait pas laissé un souvenir impérissable. Je l'avais trouvée triste et même plutôt moche (ah, ces décors défilants...). Là, je l'ai regardée sans doute avec un autre oeil, peut être la panne du sur-titrage y est-il pour quelque chose? Et j'ai apprécié ses qualités, qui sont grandes: cohérence du propos, tenue des chanteurs qui se sont jamais livrés à eux-mêmes,  fidélité à la lettre de l'oeuvre. Le public parisien applaudit cette mise en scène: rien ne dérange, il n'y a sur scène ni soucoupe volante, ni porcelaine à usage hygiénique et Richard Jones a même droit à son gros bouquet de fleurs.

         Et pourtant: a t-on le droit de trahir à ce point l'esprit d'un créateur?

         Je fais une comparaison avec la Lucia di Lammermoor représenté récemment au MET, et transposée dans les tristes banlieues d'une ville industrielle du Middlewest, dans les années 1950, pourries par les gangs. Walter Scott chez Scorcese. Eh bien, comme elle était vraie, cette petite Lucia tiraillée entre deux chefs de bandes! Comme elle nous touchait, plus sans doute que l'original, passablement empoussiéré... Rien n'était trahi. L'esprit était là!

         Voyons maintenant ce que Stone a fait de la vision wagnérienne, marquée par le mysticisme, (même si celui de Richard Wagner était particulièrement flou). Nous sommes dans un pensionnat, ou une école supérieure, dont les élèves, au premier acte, studieux, en jogging gris, étudient principalement WORT, le  livre du Fondateur de l'école -Titurel? ou Ron Hubbard?-, qui  est partout, en portrait dans la bibliothèque, au centre d'une fresque qui évoque la Cène, en buste au milieu d'une petite fontaine, seule échappée vers la nature. Ils manifestent cependant relativement peu de respect pour Amfortas quand il tente de se rebeller, de leur échapper, Amfortas qui ne cesse de tomber par terre et qu'on laisse vautré sur le sol comme un chien crevé. Dévoiler le Graal, inutile puisqu'il est là, rutilant comme un plateau négocié dans un souk, manipulé par les étudiants. Au troisième acte, les étudiants sont mal rasés, ils se bagarrent, se tapent dessus, certains portent la chasuble normalement réservée aux célébrations, Gurnemanz n'a plus d'autorité  et le pauvre Amfortas est quasiment molesté quand il tente de se dérober. Quand après le double baptême (dont le sens ici ...n'a plus de sens) et le désenchantement du Vendredi Saint (pas plus de Natoure que de Creatoures! Comme elle nous manque, la nature, dans cette production!) le Héros revient, que fait il? tandis que le Graal reste sur la table, il sort enlaçant Kundry (c'est sûr, ils s'en vont nous faire des p'tits Lohengrin sous peu!), les étudiants posent un par un leur livre saint (ou leur manuel de scientologie) sur la table, jettent leur chasuble quand ils l'ont gardée, et sortent aussi, emboitant le pas au couple. Après un peu d'hésitation, Gurnemanz les suit. Reste Amfortas, toujours vautré par terre, mais bien mort cette fois ci!!

         Ils sont libérés! ils sont libres!! Comprenez: là où le Parsifal historique venait revivifier la communauté, lui redonner un nouvel avenir, le Parsifal de Stone vient la dissoudre, la faire disparaître. Processus de liquidation.

         Il y a quelques années, tollé après une Carmen dont le metteur en scène féru d'idéaux féministes avait décidé que c'est elle qui devait poignarder Don José. A mon avis, le dénouement ici, s'il est moins voyant, est tout aussi choquant. C'est l'esprit qui s'est fait la malle.... 

         L'acte que j'ai adoré, par contre, parce que là il n'y a pas de détournement de sens, c'est le second. Klingsor, magicien diabolique, crée réellement des filles-fleurs.... Elles sont alignées sur un grand treillage, comme des pots de plantes bien rangés à un étal de fleuriste; mais entre leurs feuilles, entre leurs pétales, surgissent comme le pistil d'un lys ou d'un arum des bustes de femme; les six chanteuses munies de seins surdimensionnés comme des performeuses d'un burlesque américain, sont réparties entre des danseuses qui montrent, elles, leurs jambes qui ondulent avec des mouvements sensuels, voire passablement obscènes. Vulgaire, entends-je dire. Oui, mais n'est ce pas le monde de Klingsor, cet espèce de boxon, qui est intrinsèquement vulgaire? Et après la mort de Klingsor, quand la lumière revient sur notre treillage, les feuilles sont desséchées, les pétales sont pourris, et au milieu, il n'y a plus que des squelettes...Ca, c'est vraiment une chouette idée.

         Le long duo entre Parsifal et Kundry se passe dans le noir complet; les spots ne suivent que les deux protagonistes. Je trouve Marina Prudenskaya, une vrai belle mezzo, très bien.

         Kwangchul Youn, on connait la beauté  de son timbre, son phrasé et sa musicalité, ajoutés a sa présence scénique sobre et efficace. Malheureusement, sa voix manque de puissance, et même si Simone Young ne fait pas tonitruer l'orchestre de l'Opéra, même si Gurnemanz n'a guère à élever la voix, Youn a parfois du mal à se faire entendre.

         Sa voix n'est peut être plus tout à fait ce qu'elle a été, mais après tant de Hagen, de Hunding, de Fafner et de Wotan -je pense qu'il a chanté successivement tous les rôles de basse du Ring, plus le Hollandais et Daland.... et tant d'autres, Falk Struckmann, Klingsor, la soixantaine dépassée, peut accuser une petite fatique

         Reste le cas de Simon O'Neill. Oui, c'est à peu près un heldentenor, il chante plutôt pas mal, d'une voix au timbre métallique, toutes les notes.... mais il a le charisme d'un sac à patates. Son arrivée, derrière le cadavre du cygne, en bermuda trop long (ou pantalon trop court) est une vision de cauchemar.

         Donc, il y a longtemps que je n'avais entendu une telle explosion d'enthousiasme à Bastille. Applaudissements de folie.... rappels... Pas de doute: ce Parsifal a enchanté les spectateurs. Madame Wu a  son petit  triomphe, la cheffe Simone Young aussi, ainsi que les chanteurs. C'est vrai qu'on est en face d'un spectacle homogènement plutôt réussi; mais je me demande ce qu'en ont retenu ceux qui voyaient Parsifal pour la première fois.... surtout privés des sur-titres!!! 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         

 

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