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Une analyse critique de films, livres, opéras et expositions de peinture

FÜSSLI au musée JACQUEMART ANDRE

 

        Vous ne trouvez pas le temps d'y aller? Pas grave! C'est d'une laideur! D'une répétitivité! Les visages, lorsque le peintre tente maladroitement de leur donner une expression, sont presque grotesques (vous allez en voir des exemples)

       Johann Füssli nait en 1741 à Zurich; son père, portraitiste, l'initie au dessin mais décide d'en faire un pasteur; Johann étudiera la théologie, deviendra pasteur et nouera une grande amitié avec le poète (et physiognomoniste...) Johann Lavater. Avec lui il parcourt l'Allemagne puis il part pour Londres et découvre le théâtre (ses oeuvres auront d'ailleurs toujours un caractère très théâtral..), ensuite pour Paris où il fait la connaissance de Jean-Jacques Rousseau.

         De retour à Londres il rencontre le célèbre peintre Joshua Reynolds, qui l'encourage à persévérer... C'est en Italie qu'il va parfaire ses connaissances picturales et devenir une figure parmi les expatriés. Goethe lui même en dit "quel feu et quelle furie en cet homme." Pourtant, son Autoportrait, en haut à gauche réalisé entre 1780 et 1790, bien qu'il tente de prendre l'expression que les physiognomonistes associent au génie (!!!) montre un homme bien ordinaire.

         Se fixant à Londres, Le Cauchemar, en 1781, a beaucoup de succès et c'est un filon qu'il va exploiter. Il illustre Shakespeare qui sera, toujours, pour lui, avec l'antiquité grecque (La mort de Didon, 1781, en haut à droite) et les écrits bibliques (La vision de Saint Jean et du chandelier à sept branches, 1796, à gauche) , une source d'inspiration. William Blake fera aussi partie de ses amis.

       Vous voyez dans ces deux tableaux si totalement différents dans leur inspiration, le même procédé: la robe blanche de l'héroïne, la luminosité qui vient de l'arrière, le geste ample de bras qui traverse horizontalement toute la toile et, en bas, la figure humaine repliée sur elle même, comme ayant perdu tout espoir. Le hic, c'est que dans la toile édifiante, à gauche, destinée à illustrer une Bible, ce que vous aviez pris pour une belle dame blonde, c'est... le Christ!

 

       Pour en venir maintenant à Shakespeare, à droite, c'est Lady Macbeth somnambule (1784); si l'on excepte le large geste de bras et la ceinture sous les seins que Füssli semble particulièrement affectionner, Lady Macbeth se distingue surtout du Christ par le fait qu'elle est rouquine. 

         A gauche, ces trois vilaines personnes sont Les Trois Sorcières de Macbeth (1783); elles ont manifestement demandé, et obtenu, leur changement de genre.

         A droite, et particulièrement laid, Hamlet et le spectre de son père (1793). Le cheveux hérissé, il parait que ce n'est pas comme au palais de la Découverte, mais que cela fait référence à un acteur anglais très célèbre dont un mécanisme permettait de dresser la perruque pour exprimer sa terreur... Mais regardez la laideur et l'expression grossière des visages: si un postulant à l'entrée à une école des Beaux-Arts avait dessiné aussi mal.... il aurait assurément été recalé.       

Passons maintenant aux Cauchemars qui ont fait sa réputation de maître de l'horrifique et dont deux déclinaisons sont données à gauche.

         D'abord, une toute petite peinture qui reprend le premier Cauchemar (1782). Une femme dort, admirez encore sa souplesse d'épaule, tandis qu'à son chevet, la veillent un vilain incube et un cheval aux yeux phosphorescents (nightmare = jument de la nuit???). On peut effectivement trouver un charme morbido-fantastique à cette représentation.

         En dessous, Le Cauchemar (1810). Cette fois, la femme est dévêtue et sa pose, carrément lascive. Un autre centre d'inspiration de Füssli, c'est le Paradis perdu de John Milton. Il réalise une Milton Gallery avec 47 peintures.        

         A droite, La Sorcière de la nuit rendant visite aux sorcières de Laponie (1796) L'horrible créature s'apprête à sacrifier un bébé. La sorcière de la nuit, à cheval, est entourée de chiens. On peut penser à certaines peintures noires de Goya.

         A gauche, c'est Lycidas (1796), inspiré par un autre poème de Milton; je dois dire que j'aime bien cette composition sobre, qui évoque si bien la profondeur du sommeil où surviennent les rêves.

         On retrouve ce même jeune personnage endormi dans Le Songe du berger (1793) Rêve t-il de fées, ce jeune berger? Ou, plongé dans un prochain sommeil, serait il inconscient de la nature magique qui l'entoure?

         Pour en finir avec ces deux sources d'inspiration, l'antiquité grecque d'une part, Shakespeare d'autre part, voici, à gauche, Ulysse naufragé sur son radeau reçoit le voile sacré d'Inô-Leucothéa (1805, un épisode de l'Odyssée qui m'était resté inconnu) Très différent des autres personnages, Ulysse est inspiré par les dieux-fleuves de Michel-Ange.

         A droite, Huon et Rezia réunis (1804), inspiré par un poème, Obéron, qui met en scène Huon de Bordeaux.

         Et pour terminer, à gauche, inspiré par l'acte IV d'Henri VIII, Le rêve de la reine Catherine (1781). Catherine d'Aragon, agonisante, a une vision de la félicité éternelle. Surprise: le visage de la reine répudiée est exactement le même que celui de l'auto-portrait montré au début du post. Devant ces nudités, en guise de félicité éternelle, un mauvais esprit (pas moi naturellement) pourrait supposer que Catherine pense: ah! que n'ais-je été lesbienne plutôt que de tomber dans le plumard de cet abominable roi...

         En ce qui concerne la vie de Füssli, notons qu'en 1789, il a soutenu la révolution française et s'est lié avec la féministe et chaude lapine Mary Wollstonecraft. Il a été élu en 1790 à la Royal Academy, où il enseignera la peinture.

         On comprend que sa peinture ait pu fasciner: elle rompt complètement avec le classicisme; elle propose des scènes baroques, horribles, auquel le public n'était pas habitué.

Jusqu'au 23 janvier

 

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