UN PATIENT NOMME WAGNER par PASCAL BOUTELDJA

        Un livre destiné, réservé, donc, à un petit, tout petit petit public..... Un public des plus restreint, cette caste étrange des wagnerolâtres, qui outre le mois d'août à Bayreuth obligé......  se déplace de New York à Copenhague au gré des Parsifal et des Tannhäuser..... Et naturellement veut tout connaître, les plus  petits détails de la vie de son idole.
          Grâce au bon docteur Bouteldja ils n'en ignoreront plus rien. Bon, le grand Richard avait des hémorroïdes (qui ont pu nécessiter un coup de bistouri), de la colite donc des flatulences, et de la constipation. Il a eu réellement des problèmes cardiaques, insuffisances coronariennes qui l'ont sans doute conduit à un infarctus fatal, mais aucun de ses nombreux médecins n'ont été capables de les détecter..... Par contre ils n'ont pu louper l'érysipèle qui commençait par lui faire un gros pif violacé avant de s'étendre à tout le visage. Appétissant tout ça. Mais rien ne rebute un wagnerolâtre....
          À la limite de l'hypocondrie, Richard Wagner avait particulièrement confiance dans l'hydrothérapie. Eau ingérée, mais aussi enveloppements humides, bain froids et bains de siège.... Fallait qu'il ait quand même la santé pour résister soixante dix ans à ce régime!!!! En dehors de ses périodes de jeûne diététique où il faisait passer le pain sec avec du lait coupé d'eau de Seltz (berk!), notre héros mangeait beaucoup et n'hésitait pas à mélanger bière et vin....
         Je plaisante, mais j'ai si peu une âme de groupie! Si je considère l'Anneau des Niebelungen comme sans doute la musique la plus forte, la plus géniale jamais écrite, son compositeur ne m'intéresse pas. C'est comme ça!  Ce qui m'intrigue, c'est dans la création artistique, le divorce entre l'œuvre et le créateur. Comme si ce créateur n'était qu'un véhicule emprunté par quelque génie extra terrestre..... Pour un Verdi dont l'intelligence, la grandeur d'âme et l'éthique collent parfaitement aux nobles sentiments véhiculés par son œuvre, combien de Mozart? Mozart, tous ses contemporains en témoignent, était un esprit léger, superficiel. Et avec ça, il a écrit le Requiem, la musique funèbre maçonnique, l'ouverture de Don Giovanni et ce Concerto pour clarinette qui est un véritable dialogue avec Dieu. Comment le comprendre?
          Bon, Richard Wagner était un petit homme mesquin, envieux, intéressé.... qui a fait la pute avec le malheureux Louis de Bavière et qui a vécu une vie de cocufiages minables.... Et il a écrit Parsifal! Comment le comprendre..... Tout cela relève de la métaphysique. Je n'arrive pas à décider si c'est une preuve de l'existence de Dieu, ou au contraire de son absence....
          Le livre du Dr Pascal Bouteldja, outre son côté médical, fourmille de détails sur la vie intime du compositeur. Donc pour les wagnerolatres c'est un indispensable! Personnellement, après une première partie chronologique que j'ai trouvée un peu longue, je l'ai, en fin de compte, lu avec plaisir. J'aurais sans doute, quant à moi, forcé un peu sur la psychanalyse de café du Commerce...... Le parallèle est trop facile entre la constipation, cette incapacité à produire, et les affres de la difficile gestation musicale......