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Une analyse critique de films, livres, opéras et expositions de peinture

LA FEMME AUX CHEVEUX ROUX de ORHAN PAMUK

        Comment ne pas être ébloui, une fois de plus, par la virtuosité avec laquelle Orhan Pamuk lace et entrelace son récit, se situant entre le conteur oriental et l'écrivain de littérature psychologique occidental? D'ailleurs, ce roman sur la paternité (dont vous découvrirez au fil des chapitres bien des retournements... et bien des filiations inattendues) se déroule sous la double égide d'Oedipe et d'un conte persan où, cette fois, c'est le père qui tue son fils Sohrâb, toujours à l'issue d'un combat où les antagonistes ne se reconnaissaient pas.

        Cem est le fils de parents séparés. En fait son père, militant politique, les a laissé tomber, sa mère et lui. Pour gagner quelque argent avant de rentrer à l'université, le jeune garçon s'engage comme apprenti auprès d'un maître puisatier, dans la grande banlieue d'Istanbul. Cem a peur du terrible maître Mahmut, brutal et entêté, l'eau ne vient pas, les roches succèdent au sable, le propriétaire du terrain renonce à poursuivre le financement des travaux, Mahmut creuse, creuse encore. Et pourtant, pour le jeune garçon, il représente une figure du père, ce père qui lui a tant manqué.... Et en même temps, Cem tombe amoureux d'une belle femme en minijupe, la crinière passée au henné, actrice d'un petit théâtre ambulant, plus âgée que lui (presque l'âge d'être sa mère?) qui va lui offrir son dépucelage.     

        Et un jour où le jeune garçon est recru de fatigue, il laisse retomber son seau sur son maître, au fond du puits, le blesse..... et s'enfuit. Cem va devenir ingénieur géologue, épouser une charmante jeune fille, monter une société de BTP qui se développe, dans un Istanbul qui s'étend comme une pieuvre. Il est heureux, ils sont heureux même s'ils n'arrivent pas à avoir d'enfant, mais jamais cette double hantise n'abandonnera l'homme prospère qui voyage pour des projets dans tout le Proche Orient: Mahmut est il mort seul au fond du puits? Et qu'est devenue la femme aux cheveux roux?

        Bien, sûr, en toile de fond il y a cette Turquie qu'il aime même si, il me semble, ce défenseur des droits de l'homme et de la reconnaissance du génocide arménien, ne peut plus y vivre. Capitale en expansion incontrôlée où les déplacements deviennent cauchemardesques, mais pays toujours libre à sa façon (les purges de 2016 n'ont pas encore eu lieu), où les discussions se finissent à l'aide des petits verres de raki. Pamuk souhaitait ardemment que la Turquie intègre l'Europe. Il semble bien hélas, qu'elle s'en éloigne, et de plus en plus vite. 

        Si vous ne connaissez pas bien encore notre prix Nobel turc, ce roman aux faux airs de thriller est une excellente façon de le découvrir!

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