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Une analyse critique de films, livres, opéras et expositions de peinture

DES HOMMES par LAURENT MAUVIGNIER.

          Lucas Belvaux en avait fait un beau film, servi par une distribution exceptionnelle : Depardieu /Frot /Darroussin, mais dont j'avais déploré le côté hétéroclite. Or, ce côté hétéroclite il est dans le livre où le chapitre "paysan" et le chapitre "guerre d'Algérie ne se raccordent pas si bien que ça. En fait, il y a "un homme" et "des hommes" et c'est le premier aspect qui nous intéresse le plus.

           Les hommes, ce sont ceux qu'on envoie faire la guerre en Algérie, la sale guerre, de tous les cotés. Tortures, fellaghas balancés d'un hélico vs atrocités perpétrées par le FLN. Ca pourrait être du Schoendoerffer, en moins sec, en plus lyrique. C'est que Schoendoerffer l'avait faite, la guerre d'Indochine, alors que Belvaux ne connait l'Algérie par les récits, comme nous connaissons les tranchées de 14 par les récits. Il semble que ceux qui ont fait l'Algérie ont encore plus de mal à parler de leur guerre que les poilus, tant elle a été barbare et inutile... Et puis les Harkis, le cul entre deux chaises.

           Plongés dans cette guerre, deux cousins, deux péquenots qui ne s'aiment pas, qui ne sont pas affectés au même régiment mais se retrouveront en perm, pour une soirée de beuverie qui se finit mal et aura peut être une influence sur le destin tragique de leurs camarades.

           Dans quelle mesure la guerre aura t-elle affecté le destin de Bernard, dit Feu-de-bois, devenu une brute alcoolique qui survit de vagues petits boulots et qui arrive précédé, entouré, suivi d'une pestilence de crasse, personnage dont Depardieu s'est évidemment emparé avec délectation? Bernard s'est marié avec la fille d'un riche pied-noir -mais l'aisance n'a pas survécu à l'indépendance, le couple a vécu chichement à Paris, puis  Bernard est revenu au village où il a sombré; il n'a jamais cherché à revoir ses enfants. Rabut, le cousin, le narrateur, a repris sa vie au village, même s'il fait toujours des cauchemars, et il sait que cela ne peut que mal finir.

           Fils d'une famille innombrable (les enfants couchent à quatre par lits, dans le sens transverse), il est le mal aimé. Pourquoi cette mère qui a donné la vie dans l'hébétude déteste t-elle justement celui là?? D'esprit religieux, ne se séparant pas de sa bible, il ne devait pas être pire que d'autres. S'il vient chercher l'argent caché de la vieille, pour faire un cadeau à la seule soeur qui ait essayé de le soutenir et de l'aider, n'est ce pas aussi parce qu'il ne lui a jamais pardonné de s'être approprié l'argent que, mineur, il avait gagné? Mais pour le reste de la fratrie, pour le village, Feu-de-bois est définitivement rejeté, sauf par Rabut peut être qui essaye de comprendre. Et nous, spectateurs, lecteurs, c'est bien le cheminement de CET homme qui nous intéresse, et nous restons un peu sur notre faim...

           Mais j'aime énormément la langue de Mauvignier. De belles phrases, parfois littéraires, parfois populaires, et puis des mots, des mots isolés, des fragments de phrases balancés à la mitraillette...

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