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Une analyse critique de films, livres, opéras et expositions de peinture

LOHENGRIN à l'OPERA BASTILLE

        Lohengrin fait partie des opéras les plus sombres de Richard Wagner. Il n'y a pas de fin lumineuse comme dans Tristan, positive comme dans Tannhäuser, ou même le Crépuscule qui annonce quand même l'avènement de l'humanité libérée!! La séparation des époux est définitive et le pays s'enfonce dans la guerre. Ne pas compter sur Kirill Serebrennikov pour illuminer cette tragique histoire: on n'est pas au pays de Dostoïevski pour rien....

         L'orchestre dirigé par le jeune Alexandre Soddy est magnifique, les choeurs entraînés par Ching-Lien Wu sont magnifiques, et le dispositif scénique intéressant, avec de très belles vidéos.

         Pendant l'ouverture, on suit la déambulation d'un jeune homme, ailes de cygne tatouées dans le dos, dans une forêt à la fois dense et lumineuse, jusqu'à arriver à cet étang où il va se plonger, déambulation poétique qui s'accorde merveilleusement à la musique.          

         En général l'espace est divisé horizontalement en deux: en bas, on joue et on chante; en haut, sur différents écrans passent des vidéos ou parfois des images fixes; on peut facilement négliger les vidéos; elles ne sont pas polluantes comme dans certaines productions; il suffit de regarder la partie scénique; mais elles sont particulièrement intéressantes quand elles nous rapportent, en grand, ce qui se passe  sur scène, ce qui permet de mieux apprécier les gestes et les expressions des protagonistes.

         Tout cela justifie l'enthousiasme du public et, globalement, l'excellente réception de l'oeuvre.

         Maintenant, on en arrive à la grande question qui hante toute la production contemporaine: qu'a voulu dire le metteur en scène?

         J'avais lu quelques critiques avant la représentation, et selon certains doctes commentateurs, tout se passait "dans la tête (malade, gravement malade!!) d'Elsa". J'espère que ce n'est pas cela. L'opéra vu comme "créé par l'imagination d'un des protagonistes", c'est une des tartes à la crème des metteurs en scène dépourvus d'imagination. On a vu ce procédé mille fois. Même si l'idée reste bonne dans certains cas, par exemple dans le Vaisseau Fantôme où le Hollandais pourrait bien être inventé par le cerveau malade de Senta.

         Dans le cas de Lohengrin, j'ai trop d'estime pour Serebrennikov pour penser qu'il est tombé là dedans. Moi, j'ai interprété la mise en scène d'une façon plus primaire: la guerre dans laquelle va s'engager le Brabant est déjà commencée, et elle est terrible. Guerre barbare, guerre nucléaire peut être, ce qui justifierait qu'Elsa soit chauve. Oui, Elsa est malade, mais ça ne veut pas dire qu'elle est démente: juste épuisée.

         L'idée de Serebrennikov, c'est donc plutôt de faire passer au premier plan l'image de l'horreur de la guerre. Ainsi, dans le deuxième acte, l'espace est séparé en trois parties: la cantine des joyeux soldats pressés d'en découdre; la salle d'hôpital; la morgue... Quant à notre héros, il arrive en treillis. Le Graal l'a donc envoyé, non pas particulièrement pour sauver Elsa, mais pour devenir un chef de guerre. Tout cela est tiré parfois jusqu'à l'absurde. Les chanteurs sont assez peu dirigés, et leurs rares gestes restent peu convaincants.

         Qu'on m'explique pourquoi Lohengrin renfile son blouson et son gilet pare-balle au moment, où il espère bien encore amener Elsa au lit? Par ailleurs Telramund meurt tout seul (de peur?) le héros restant alors parfaitement figé. Enfin j'ai détesté cette idée d'accompagner Elsa par des doubles qui sautent partout, grimpent, se tortillent, alors que les chanteurs restent si monolithiques... Par contre, j'ai bien aimé ce figurant /cygne dédoublé, avec son bras /aile, qui m'a fait penser à l'homme /aigle du film le Règne animal....

         Telramund, promu médecin de la clinique où Elsa est soignée (Wolfgang Koch) est bien, sans plus, Elsa (Johanni van Oostrum) est bien, sans plus; la distribution est donc dominée par la toujours excellente Ekatarina Gubanova, en blouse blanche elle aussi, qui campe une Ortrud plus machiavélique que criarde, et évidemment Piotr Beczala. Après un premier acte inquiétant avec des aigus un peu criards, il nous donne un magnifique troisième acte, confirmant qu'il est bien le Lohengrin de notre temps. Quel dommage qu'il reste si empoté, alors qu'ayant gardé, lui, sa silhouette de jeune homme, il pourrait tout se permettre; il est vrai qu'içi, le parti pris de mise en scène ne l'aide pas...

         

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