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Une analyse critique de films, livres, opéras et expositions de peinture

LE MAL N'EXISTE PAS, un film réalisé par Ryūsuke HAMAGUCHI

        Un film d'une richesse stupéfiante, qui se déploie sur toute une série de niveaux:  film écologique qui magnifie la nature; film sociologique et politique qui nous montre , de façon presque comique, comment le capitalisme utilise tous les moyens pour s'implanter et faire du profit; film d'épouvante aussi dont la fin, totalement absconse, est assez terrifiante; pour tout dire, j'ai recherché diverses critiques pour voir si certains avaient une explication logique à cette fin, mais non: tout le monde se pose des questions.                          Ryusuke Hamaguchi nous emmène assez loin de son univers policé habituel.

 
Ryūsuke Hamaguchi

         On commence par un long, très long et sublime travelling à travers la canopée vue en contre-plongée, les résineux se mêlant aux branches de feuillus que l'hiver a dénudées. Il y a encore, quelques plages de neige au sol. C'est en pleine forêt que vit Takumi (Hitoshi Omika) -il est veuf- avec sa petite fille de huit ans, Hana (Ryo Nishikawa), une petite fille très indépendante, qui connait déjà le nom de presque tous les arbres, et parcours son domaine, libre...

         On verra ensuite longuement Takumi fendre, d'un coup assuré, les bûches qui lui permettront de chauffer sa maison; il n'a pas de travail fixe; il est "homme à tout faire", il rend service aux voisins. C'est toute une petite communauté qui vit autour d'un hameau dans cette forêt préservée, sublime, qui grouille de cerfs. Un couple tient un restaurant de udons; la jeune femme s'est installée là parce qu'elle s'est rendue compte que la pureté de l'eau donnait à ses nouilles une saveur toute particulière. Alors Takumi remplit chaque jours des dizaines de bidons à une source, limpide, dont on ressent la fraîcheur à travers l'image...

        Oui mais voilà: un groupe financier a décidé d'installer un glamping au milieu de la forêt. Pour ceux qui ne sont pas au courant des tendances à la mode, un glamping ou "glamour camping" c'est un camping pour urbains fortunés qui veulent goûter aux joies de la nature sans renoncer au confort d'un hôtel de première classe... 

        Le groupe envoie deux représentants de son agence de com pour se mettre les villageois dans sa poche: toutes les retombées économiques formidables qu'ils peuvent en attendre! blablabla, blablabla, discours alléchant, bien huilé de Takahashi (Ryuji Kosaka) et Mayuzumi (Ayaka Shibutani). C'est là que se place une longue séquence quasiment comique, d'une grande justesse; les villageois, avec leur simple bon sens, vont poser les questions qui tuent: la fosse septique est manifestement trop petite si le glamping est complet, il va y avoir débordement dans un puits, puis contamination de la nappe phréatique et finalement des sources si pures; le site est juste placé sur le passage des cerfs, et un serf, ça peut sauter une clôture de deux mètres; le nombre de gardiens est insuffisant eu égard aux risques de feu de forêt: la végétation est très sèche; si la jeune fille essaye tant bien que mal d'argumenter, on voit petit à petit Takahashi se décomposer, ne plus savoir que répondre, pour finalement décider qu'il ne rentrera pas à Tokyo, qu'il va devenir gardien de camping, et éprouver à arriver (péniblement) à fendre une bûche une joie véritablement délirante...

        Heureux Japon, qui recèle tant de talents, voir absolument ce film qui roule hors des sentiers battus, onirique, poétique, troublant...

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E
Coucou. Merci pour ce résumé détaillé du film. Ton article m’a donné envie de le voir. Chaque weekend, ma sœur et moi organisons une soirée cinéma et je pense que je vais lui proposer « Le mal n'existe pas ».
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