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Une analyse critique de films, livres, opéras et expositions de peinture

LA FORCE DU DESTIN A BASTILLE

       J'ai très peu souvent regardé La force du Destin. Pour plusieurs raisons; l'une d'elle, ce n'est pas si souvent représenté à Paris. Je me souviens d'un truc très très ennuyeux, il y a très très longtemps. Et surtout..... trop long, trop mal foutu, hétéroclite, un livret peu convainquant -Piave, pourtant! une parodie peut être, du grand opéra à la française avec moultes scènes de foule (vous savez, les soldats qui chantent "rataplan". Insupportable!). On dirait que Verdi a essayé de "faire un truc nouveau" en mêlant la tragédie (car c'en est une, épouvantable!) et des scènes ou des personnages de bouffonnerie. Sauf qu'il a fallu encore des décennies à Verdi pour maîtriser la bouffonnerie -dans Falstaff! et qu'on l'espérait sorti de la grandiloquence.... Et puis, pas d'arrière plan politique, là où Verdi est tellement à l'aise. Juste un vague arrière plan historique plutôt flou. Apres les Vêpres et Simon, La Force déçoit.

       Ce qui ne déçoit pas.... le public parisien en particulier, c'est la reprise de la vieille mise en scène de Jean Claude Auvray qui, sans nous proposer "d'ouvertures" abracadabrantesques, se déroule dans des décors (Alain Chambon) magnifiques. Le rideau ouvre sur un Vélasquez: la salle à manger du marquis de Calatrava. On aura ensuite un tableau de banquet populaire, soldats et luronnes, magnifique dans sa composition et ses couleurs.

       Puis quand Leonora décide, pour expier, de devenir une recluse, il n'y a plus qu'un immense Christ venant des cintres, et le travail sur les lumières (Laurent Castaingt) est d'une beauté et d'une poésie époustouflantes... Etc, etc, tout est réussi, comme la fugitive ligne de montagne au soleil couchant, pour la rencontre entre Carlo et Alvaro. Bon, de temps en temps, ça fait du bien de changer de Warlikowski et de ses pissotières....

       J'ai choisi de ne pas écouter Anja Harteros, dont le métier a sûrement dû parler, mais qu'on voit tout le temps en ce moment dans tous les répertoires, pour découvrir Elena Stikhina. Et j'ai bien fait! C'est une merveille. Les Netrebko et Yontcheva n'ont qu'à bien se tenir: la relève est assurée. Une voix ronde et cuivrée d'une exceptionnelle beauté, une ligne de chant parfaite, des pianissimi impalpables, elle a tout. Moins de puissance, peut être, que la Netrebko? Mais plus d'expressivité avec plus de sobriété. Et elle n'a que trente ans, et à trente ans, elle s'est déjà permis de chanter Brünnehilde, ce que les autres ne feront sans doute jamais.... Bref, Elena a fait un triomphe, mais elle n'était pas seule. L'américain Brian Jagde, très jeune, également, se prépare une belle place de ténor..... verdien, avec leur défaut bien italien de crier à l'excès les aigus (qui en l'occurence, n'ont une pas très jolie couleur un peu métallique). Mais une magnifique projection, le sens des nuances; il lui reste à devenir un peu moins empoté en scène....

       L'autre triomphateur, c'est l'excellent baryton verdien Željko Lučić qu'on  a mis bien du temps à découvrir (à Paris du moins), spécialiste des rôles de baryton/basses "mauvais". Là, comme mauvais, il est servi car Carlo est bien le plus sinistre crétin que la terre d'Opéra ait jamais portée. Peu lui importe que sa soeur soit toujours vierge et pure, que le marquis n'ait été atteint que de façon accidentelle. Il a juré de tuer les deux amoureux, il les tuera, na! Dans le genre, il n'y a qu'Electre qui soit aussi bornée mais dans son idée fixe il y a une certaine justification....
       Le seul problème.... c'est qu'il est difficilement crédible en "frère" de Léonora dont il serait plutôt le pappy... 

        Enfin, triomphateur aussi Nicola Luisotti qui donne de cette si fameuse "ouverture" (qui n'ouvre rien du tout d'ailleurs, précédée par toute la scène introductive de la mort du Marquis!) une version éblouissante.

           N'oublions pas un des personnes comiques les plus improbables de tout l'opéra, le sympathique Fra Melitone (Gabrile Viviani) à la parole.... très "nature". Le voir se demander si c'est bien la volonté de Dieu qui a encore engrossé cette malheureuse et, décidément, les pauvres sont très doués pour se reproduire, d'ailleurs ces pauvres qui viennent chaque jour chercher leur bol de soupe à l'abbaye, ils ne sont jamais contents -bref, toutes paroles totalement dépourvues de charité chrétienne que le noble padre Guardiano (Rafal Siwek) remet en place, gentiment mais fermement, c'est irrésistible!

       Bref, une très très belle soirée, qui aurait pu être encore meilleur si on avait coupé la moitié de l'insupportable badinage soldatesque du second acte 

« La force du destin » à l’Opéra Bastille, splendide célébration de la musique de verdi.

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