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Une analyse critique de films, livres, opéras et expositions de peinture

Escalier trois de Éduard von Keyserling

          Cette première œuvre de notre baron balte, Eduard von Keyserling, le relie, de façon prémonitoire, à tous ces écrivains de la Mitteleuropa qui vont se révéler quelque vingt ans plus tard: Arthur Schnitzler, Robert Musil, Thomas Mann..... C'est qu'elle se passe à Vienne; Vienne décrite comme la ville des plaisirs, voire de la débauche; mais aussi une ville bouillonnante où s'agitent de multiples groupements politiques qui contestent l'ordre établi.
          Le héros, Lothar von Brückmann, quitte la Courlande où une tante l'a élevé; il quitte tout ce qui faisait sa vie, les forêts, les champs, une existence contemplative. C'est qu'en ville, où on l'a envoyé faire des études -médiocres, car le jeune homme ne pense qu'à s'amuser- il a fait la connaissance d'un "social-démocrate" qui l'a convaincu de venir à Vienne pour devenir rédacteur de "l'Avenir", journal politique.
          Là, le roman se déroule sur deux plans: le premier, plus sociologique; nous voilà dans "l'immeuble Yacoubian".... Car se déroule la vie plus ou moins médiocre des familles de petite bourgeoisie qui habitent cet "escalier trois". Filles soumises, ou non (Mietzi qui veut devenir actrice et va mal finir), existences ternes animées par la sortie dominicale au Prater....
          L'autre plan, très intéressant politiquement (mais aussi, on va le voir, assez gênant à certains égards), c'est la description de la concurrence entre tous ces groupements "de gauche", incapables de se réunir, incapables de faire un travail en commun mais, pire encore, incapables de se faire entendre des corporations en grève.... C'est qu'ils sont tellement désappointants, ces ouvriers.... Ils ne veulent pas lire l'Avenir, ils ne veulent pas s'éduquer. Ah ma foi!! Il faudrait parfois dissoudre le peuple.. Les plus radicaux virent vers l'extrémisme; ils vont jusqu'à déclencher des incendies.
          Lothar repartira. Il a compris..... qu'il est incapable de comprendre le peuple "je crains que les intellectuels n'aient pas compris et qu'ils doivent remettre leurs connaissances à jour. La vie est différente de ce que nous pensions"
          Le côté gênant, c'est qu'on se demande dans quelle mesure Keyserling se moque des illusions des "sociaux démocrates" qui vivent dans leurs théories et non dans la réalité; et dans quelle mesure le baron  balte a, lui même, une certaine répugnance à fréquenter ce peuple, tant il le décrit de façon pitoyable. Quant à l'antisémitisme, il suinte de chaque page.
          Le roman, ambitieux, foisonnant, est très intéressant. Pourtant, on est plus touchés par ces courts récits colorés et poétiques, comme Été brûlant, où de courtes tragédies intimes sont vécues au sein de la belle nature lettonne, et où Kayserling va ensuite exceller.

 

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