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Une analyse critique de films, livres, opéras et expositions de peinture

LA LLORONA de JAYRO BUSTAMANTE

       Un film politico-fantastique guatémaltèque...... franchement, ne serait ce que pour l'exotisme, ça ne se rate pas!
       Le général Enrique (Julio Diaz) est typique de ces officiers supérieurs sud américains (comme on en voit à chaque putsch...) farouchement anticommunistes et d'une cruauté sans limite. Il a fait massacrer toute une communauté d'Indiens Mayas, des rebelles -en fait la vérité est plus sordide: on a découvert du pétrole sur leurs terres et il fallait se débarrasser des habitants. Il passe en jugement des années plus tard et est condamné pour génocide (le jugement sera cassé.....)
       Alors, ces Indiens, ces Indiennes surtout, qui sont venus témoigner au procès -de la séparation avec les hommes, des viols, de l'utilisation des enfants, se rassemblent autour de la magnifique villa où le général vit avec son épouse, sa fille médecin et divorcée, Natalia (Sabrina de La Hoz) et sa petite fille Sara. Ils chantent, jouent du tambour, crient, affichent des pancartes.... il n'y a pas de musique dans le film: c'est ce bruit de fond qui constitue l'accompagnement sonore, ce qui est un peu fatiguant à la longue (mais nous met exactement dans l'état d'esprit des habitants des lieux!)
       Mais le général est aussi un vieux monsieur qui commence à perdre la tête, éventuellement dangereux; il parcours la maison la nuit un revolver à la main, prêt à tirer sur tout ce qui bouge, parce qu'il est sûr que quelqu'un est rentré, une femme: il l'entend pleurer!
       C'est que dans la maison les nombreux domestiques apeurés sont partis. Il reste le garde du corps, et l'intendante, Valeriana (Maria Telon), farouchement attachée à la famille. Sans doute est ce une fille du général, qui aimait les Indiens morts, et les petites Indiennes dans son lit. Une nouvelle domestique s'est présentée, Alma (la magnifique Maria Mercedes Coroy, une beauté ethnique impressionnante) qui vient d'on sait où, mais à qui Sara s'attache.
       Alors qui pleure, la nuit? Serait la Llorona, un fantôme qui pleure, qui a noyé ses enfants et n'apparaît qu'aux coupables?
       Le plus impacté n'est cependant pas le général, trop diminué, mais son épouse Carmen (Margarita Kénefic), une femme élégante, aux chignons sophistiqués,  sèche et dure, aussi indifférente que son mari aux malheurs des autres. Mais la nuit, démaquillée, sa crinière blanche en désordre, elle fait des cauchemars, elle s'imagine traquée par l'armée, contrainte de laisser noyer ses deux jeunes enfants.... Le remords, bien tardif? Ou la Llorana qui s'est emparée de son esprit?
       Valeriana sait bien qu'on ne peut lutter contre la magie qu'avec la magie, alors elle associe la famille à d'étranges rites, mi animistes, mi chrétiens..... famille qui se laisse faire maintenant, totalement abandonnée à une peur animale.
       L'eau est omniprésente. Celle de la piscine se peuple la nuit de créatures mystérieuses. Alma et Sara jouent avec cette eau, la petite fille s'exerçant à rester en apnée le plus longtemps possible. Elle aime rester auprès de cette mystérieuse Alma, mutique, passive, si fascinante dans sa tunique de dentelle.
       La nuit, dans la maison obscure, ses habitants glissent sans bruit, pieds nus, dans les couloirs au gré de leurs fantasmes, et chaque image est angoissante.
       Pour avoir réussi à insérer ainsi une tragédie politique contemporaine dans le substrat de croyances ancestrales, il faut être fort. Jayro Bustamante est un grand cinéaste.

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