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Une analyse critique de films, livres, opéras et expositions de peinture

LA COMMUNION de JAN KOMASA

       Eh bien, les Polonais sont les rois du grand écran en ce moment. Jan Komasa n'a pas la carrière internationale d'Agniesza Holland, mais ce film complètement ancré dans son pays -il faut vivre dans un monde où la religion catholique est présente à chaque moment de la vie  pour concevoir La Communion- va certainement lui donner la visibilité qu'il mérite!

       Daniel (interprété par Bartosz Bielenia, jeune acteur charismatique avec son regard transparent, légèrement exorbité, vite inquiétant) est un peu plus qu'un petit délinquant. Il a même déjà un très lourd passé, avec la mort d'un jeune au cours d'une bagarre. Mais il sert la messe (quotidienne obligatoire), dans ce centre fermé où les garçons apprennent la menuiserie et il a la foi. Pour ses camarades, qui ne l'aiment guère, Daniel cherche surtout à se faire bien voir du tout puissant père Tomasz (Lukasz Simlat, encore un beau visage), pour obtenir un régime de semi-liberté. Car le frère du mort se retrouve aussi dans le centre, et il a bien l'intention de faire la peau de Daniel. Mais le spectateur, lui, qui a vu le jeune homme prier dans sa chambre, croit à la sincérité de cette foi. Sauf que dans cette âme troublée, elle se mélange à toutes sortes de pulsions, la sexualité bien sûr, le goût de la fête et de l'alcool, l'envie de liberté. Daniel est un creuset de désirs qui tirent en tous sens.

       Bien sûr, s'il pouvait devenir prêtre, tout deviendrait simple (pense t-il). Mais avec son passé, aucun séminaire ne l'acceptera. Alors, au lieu de rejoindre la menuiserie où il est attendu pour sa semi-liberté, il fuit, rejoint l'église du village, se fait passer pour un jeune prêtre auprès du vieux curé, épuisé et miné par l'alcoolisme.... et voilà: Daniel se retrouve curé suppléant. Il joue le jeu! -mais est ce vraiment un jeu?

       Il est convainquant: il apprend dans les livres le déroulement des offices et les paroles liturgiques; mais en même temps, il parle avec ses mots à lui. Et cela passe plutôt bien: les villageois semblent apprécier cette parole non formatée. 

       Mais dans ce village, il y a eu un drame, matérialisé par un panneau montrant les photos de six ados rieurs. Un accident de voiture, épouvantable, sept morts, dont le fils de la sacristine qui ne cesse d'examiner Daniel, mi amicale, mi méfiante. Le septième? Le conducteur de l'autre voiture. Rejeté par tous, forcément coupable, forcément ivre (les jeunes l'étaient aussi, mais chut!). Personne ne parle à la veuve. Le curé a refusé qu'il soit enterré en terre chrétienne. Pourquoi Daniel se met il en tête de réconcilier les parents inconsolables avec leur passé -les entraînant dans des séances de thérapie libératoire sauvages-, d'obtenir enfin l'inhumation du septième homme dans le  petit cimetière catholique? Pourquoi veut il jouer un rôle qui pourrait être, à la limite, celui du pasteur qu'il n'est pas? Est il à ce point entré dans son personnage? En même temps, il y a la chair, symbolisée par le fille de la sacristine, en révolte contre sa mère et la morale.

       Bien sûr, la supercherie finira par se faire jour et Daniel sera renvoyé à sa condition. 

       On est empoignés par la force singulière et l'originalité de ce film, immersion dans une âme à la fois primaire et incroyablement complexe. A voir!

 
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