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Une analyse critique de films, livres, opéras et expositions de peinture

AMEDEO MODIGLIANI, UN PEINTRE ET SON MARCHAND à l'ORANGERIE

         

         Voici donc le deuxième des génies maudits que Paris nous propose de rencontrer en cet automne. Le troisième suivra bientôt. Mais, le bel italien, ce n'est pas la folie qui l'a abattu ou la passion amoureuse, c'est la maladie, la tuberculose, et plus jeune encore que Nicolas de Staël -à trente-six ans. Tuberculose mais aussi une vie passablement dissolue où Amedeo  terminait ses journées ivre-mort...

         Et, là encore, on se pose la question: que serait devenu l'artiste vieillissant? De Staël, lui, n'avait cessé de se renouveler. Mais Amedeo Modigliani, l'homme d'un style inimitable - mais immuable, que serait il devenu? 

         Point commun avec l'expo du MAM: un monde dingue!

          Mais grande différence: à la profusion du MAM, s'oppose ici un régime maigre: on ne voit qu'une poignée de toiles (par exemple, aucun des merveilleux portraits de Jeanne Hébuterne); en gros, essentiellement, celles que le négociant et collectionneur Paul Guillaume avait gardées dans son appartement, enfin, ses luxueux appartements (tous dans de très, très beaux quartiers); il se trouve que les collections de Guillaume ont été récupérées par l'Orangerie, on va voir comment.

           On met donc en valeur ici ce prototype du flair pictural qu'a été Paul Guillaume (1891-1934).

           En haut à droite,  un des nombreux portraits que le peintre fit de son marchand:

           Portrait de Paul Guillaume (1916)

           A la fois très ressemblant (cette espèce d'expression goguenarde, presque arsouille), et en même temps, pas très flatteur. Jeune, du moins, Guillaume n'était pas si vilain que cela....        

           

          Lui aussi, on le voit,  aura une bien brève existence, terminée lamentablement par une septicémie consécutive à une péritonite; il semble que l'abominable bonne femme, Domenica, qu'il avait épousée et qui était alors la maitresse de l'architecte Jean Walter (encore plus riche que Guillaume!) ne se soit pas empressée à la faire soigner. Il y aura ensuite autour de cette créature de sordides histoires et même une tentative de meurtre, et c'est pour cela que la collection Guillaume passera finalement aux mains de l'Etat au lieu d'être vendue et dispersée, et finira sur les murs de l'Orangerie!.

       

         Paul Guillaume est un autodidacte, qui commence (l'un des pionniers!) par s'intéresser à l'art africain, qu'il  importe et expose;  il réunit donc autour de lui en 1914 des amateurs d'arts océaniens et africains; Modigliani, lui, fréquente le musée d'Ethnographie du Trocadéro. La connexion est évidente! A cette époque, Amedeo, arrivé à Paris de son Italie natale en 1906, se consacre à la sculpture; mais, quand on a les poumons fragiles, respirer de la poussière de roche: mauvais choix. Il l'abandonnera donc.

 

          En haut à droite, Tête de femme (1911)

           Guillaume se targue d'avoir orienté son poulain vers la peinture; en fait, cet état des lieux médical a probablement joué un certain rôle....

          On voit bien combien ses premières peintures aussi sont influencées par l'art africain, car les visages ressemblent, en fait, à des sortes de masques.     

            A gauche, Lola de Valence (1915) en est un bel exemple.

           A droite Femme au ruban de velours (1915); on dirait qu'on a plaqué un masque de carnaval sur ce visage!! En arrière plan, on devine un paysage (c'est rarissime!!)

        A droite, la jolie Antonia (1915) a encore un visage bien poupin, mais on sent que la patte Modigliani se dégage..;

         Les deux hommes sont réformés pour raison de santé; Guillaume est ami avec le tout-Paris artistique, Apollinaire, Max Jacob; il sera l'un des premiers à exposer Soutine, De Chirico, Derain, Matisse....

          C'est Max Jacob, d'ailleurs, qui aurait présenté Modigliani au collectionneur.

           A gauche, Portrait de Max Jacob (1916)

Restés à Paris, ils fréquentent des cercles intellectuels où l'on retrouve Brancusi, Kisling, Cocteau... et une certaine Beatrice Hastings, rédactrice ne chef d'une revue londonienne, The New Age, où écrit, par exemple, Ezra Pound, elle même rédigeant des articles politiques et des critiques d'art. Elle aura avec Modigliani une liaison de deux ans.

           A gauche Portrait de Moïse Kisling (1915) Comme dans le cas du portrait de Paul Guillaume, il y a une ressemblance évidente -le visage carré, la fossette, l'expression du modèle- mais aussi une caricaturisation du personnage. Le peintre polonais ne louchait pas aussi affreusement....

           A droite, Madam Pompadour (1915) C'est bien Béatrice Hasting, maîtresse en titre entre 1914 et 1916

         L'artiste a un autre marchand d'art, le poète polonais Léopold Zborowski, qui l'encouragera à peindre des nus -les nus de Modigliani, avec leurs poils parfois.... seront jugés comme indécents par la critique de l'époque!

         A droite, Nu couché (1917) Elle est pourtant ravissante, cette beauté juste ronde comme il faut, et dont la peau semble douce, satinée...

         A gauche, Portrait de Madame Hanka Zborowska (1918). Elle aussi, comme Guillaume, a droit à une taie sur l'oeil droit.... pourquoi, mystère... C'est Zborowski qui envoie l'artiste sur la côte d'Azur, espérant que cela sera bénéfique pour sa santé. Amedeo travaille beaucoup et s'essaie même au paysage. Et pour la première fois, rencontre des gens simples, des artisans qui l'inspirent:

        A gauche, Le jeune apprenti (1918), à côté, La Belle droguiste, dit aussi La Belle épicière (1918)

        Jeanne Hébuterne, enceinte, l'accompagne. Jeanne, étudiante en peinture, aura été un rayon de lumière dans ces deux dernières et terribles années d'Amadeo. C'est une beauté un peu sauvage, avec son long cou, elle l'aime inconditionnellement, sans arriver à l'empêcher de boire ni à avoir de violentes crises de rage -syndrome fréquent chez l'alcoolique...

         En 1919,ils rentrent à Paris. Jeanne est enceinte de leur deuxième enfant. Amedeo meurt le 24 janvier 1920, et, on le sait, le lendemain, Jeanne se jette par la fenêtre. Aucun portrait d'elle, je l'ai dit, dans l'expo, et quel dommage! mais pour terminer quelques portraites de très jolies dames:

         A droite: La belle irlandaise en gilet et au camée (1917)

         A gauche Jeune Fille rousse au collier, dit aussi Femme rousse portant un pendentif (1918),

         A droite, La chevelure noire, dit aussi Jeune fille brune assise

         A gauche Jeune fille au corsage rayé (1917)

         A droite, Elvire assise, accoudée à une table (1919)

         En bas à gauche, Portrait de femme, dit La Blouse rose (1919)

         Voilà ce qui restera de ce génie fulgurant mais auto-destructeur. Ces femmes au long cou, éternellement jeunes, le visage incliné, le plus souvent sur l'épaule droite, assises dans une position relâchée mais gracieuse, leur joli visage esquissé en quelques traits fluides, mais les mains juste grossièrement ébauchées. La gamme de couleur est toujours très subtile. Elles sont la poésie même.... mais à soixante ans, que nous aurait donné Modigliani?

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