UN ENFANT SANS HISTOIRE de MINH TRAN HUY

        Il n'aura jamais d'histoire, ce petit Paul, condamné à rester quelque chose d'indéterminé, un humain de la planète Mars...

        Minh Tran Huy, née en France de parents vietnamiens (parents qui ont fui leur pays natal, qui en restent marqués), est celle à qui tout sourit. Après ses études de lettres, elle commence à écrire, et dès son premier roman, alors qu'elle n'a pas trente ans, elle rencontre le succès, qui ne la quitte plus. Elle est mariée, elle est heureuse. Tout lui sourit, et puis, voilà Paul, l'enfant attendu, mais pas comme ça.

        Paul qui, à quelques mois, commence à être bizarre. Il ne dort jamais. Il hurle sans cesse. Il ne regarde personne en face. A deux ans, il ne répond pas à son prénom. Les médecins ne savent que dire. Une histoire de famille, peut être, les grands parents boat peoples? Il faut alors du psy, de la psychothérapie parents/ enfants....Temps perdu jusqu'à ce que le diagnostic que la jeune femme avait déjà posé tombe: TSA, troubles du spectre autistique. Et le traitement: s'occuper sans relâche de l'enfant, essayer de stimuler son intérêt, le récompenser lorsqu'au bout de jours d'efforts il arrive à accomplir de minimes tâches demandées.

        Pour les parents, l'épuisement, chaque nuit Paul se réveille et court dans l'appartement en hurlant, cet épuisement qui les rend agressifs, au bord de la dépression, met leur couple en danger... Et puis, impossible de lui apprendre la propreté. Elle lit, alors, la mère, tout ce qui se publie sur l'autisme, les témoignages de mères qui, après des années de technique de stimulation, ont vu leur petit arriver à rejoindre, certes dans une classe adaptée, une école pour enfants "normaux". Mais, comme le héros "Des fleurs pour Algernon", après l'espoir, vient la réalité. le petit Paul stagne. Il ne parlera jamais, il ne lira jamais. Il restera à jamais à l'écart des autres.

        L'histoire de Paul occupe un chapitre sur deux. L'intelligence de Minh Tran Huy a été de raconter, en parallèle, l'histoire de Temple Grandin. Temple nait en 1947 dans une famille riche et cultivée. Sa mère, Eustacia, est diplômée de Harvard. Mais Temple ne sourit pas. Elle ne supporte pas qu'on la touche; elle ne  supporte pas les autres. Elle joue toute seule, joue aussi avec ses excréments, a des accès de rage. La seule chose qui la calme est de s'enfermer sous des coussins, de serrer autour d'elle une couverture.

        Inutile de dire qu'à cette époque, l'autisme et ses traitements étaient choses inconnues. Mais Eustacia, d'elle même, trouve ce qu'il faut faire. Elle engage une gouvernante qui repère les intérêts de la petite fille, la stimule constamment. Elle n'est pas folle, comme le pense son père qui ne demanderait pas mieux que de s'en débarrasser. Elle rentre dans une école maternelle où les enfants sont prévenus de sa différence; elle est douée pour tout ce qui est manuel, elle "voit" les choses scientifiques. Elle expliquera plus tard qu'en fait, son cerveau fonctionne uniquement pas images. Elle intègre un collège: elle est brutale, répond avec ses poings; elle a de terribles crises d'angoisse, il faut que quelque chose l'enserre pour se débarrasser de l'anxiété. Elle se fabrique une étrange machine à enserrer. Ses vacances dans une ferme en Arizona sont bénéfiques; et alors, elle imagine une trappe qui permet au bétail d'être rassemblé sans bousculade et sans affolements... Elle fait sa formation universitaire en sciences animales, a une empathie toute particulière pour les animaux, invente pour eux de nouveaux dispositifs, des piscines, toutes choses bénéfiques aussi pour les éleveurs; elle devient une ponte de l'élevage, et après son doctorat obtient un poste à l'Université.         Mais elle s'interroge aussi sur elle même, et sa maladie, et écrit un livre où elle explique, enfin, l'étrange fonctionnement du cerveau d'un autiste. Elle deviendra une vedette, consultante pour le bien être animal chez McDo et consorts, elle donnera des conférences dans le monde entier, toujours dans son accoutrement de cow boy dans lequel elle se sent bien, toujours à moitié voutée, toujours sans regarder ses interlocuteurs en face, et toujours de cette voix bizarre au débit saccadé.... et naturellement, elle n'aura dans sa vie aucune relation sentimentale ou sexuelle. Etrange destin qui nous apprend beaucoup! 

        Mais le livre de Minh Tran Huy est aussi un pamphlet sur la façon dont, en France, on traite les enfants différents, leur enlevant toute chance de s'en sortir. Pas assez de postes, pas d'institutions spécialisées, pas de budget.... Pour les familles modestes, pas de salut!

        Lisez, lisez ce livre qui va vous apprendre tant de choses sur cette maladie dont on parle beaucoup, parfois à tort et à travers, mais qu'on comprend si peu.