Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
ninidesLaux.over-blog.com

Une analyse critique de films, livres, opéras et expositions de peinture

CROSSROADS de JONATHAN FRANZEN

      Crossroads c'est un club d'ados, dans une ville de la banlieue de Chicago, New Prospect, géré par la First Reformed Church; a priori, on y accueille des ados de toute confession, et même de pas de confession du tout, mais ceux que l'on va suivre au fil du roman, enfants de pasteur, ont tous des relations directes avec la religion. Ne me demandez pas où cette église se situe exactement dans le maquis des cultes protestants aux Etats Unis, mais si le héros a été, au départ, élevé dans l'obédience mennonite, il me semble qu'il soit revenu à un culte réformé plus "normal".

      Russ Hildebrandt est le pasteur associé (en quelque sorte, le pasteur en second) de la communauté; plein d'une foi brûlante, il parle tout le temps à Dieu; hélas, le malheureux se débat avec tant de problèmes personnels qu'il nous apparait plus pitoyable qu'autre chose. D'abord, après avoir été la cheville ouvrière de Crossroads, il en a été peu à peu écarté à l'arrivée d'un jeune et charismatique pasteur, qui a tout de suite séduit les ados, jusqu'à finalement contraindre Russ à quitter l'association après un mini-scandale. Alors, ce Rick Ambrose, il le hait, il le hait! ce qui n'est pas très joli pour un bon chrétien. Le clou de la saison associative, c'est le voyage d'été en Arizona où les jeunes arrivent avec leurs clous et leurs marteaux, leurs pots de peinture (celles qui se vendent le moins bien) pour  aider les natives à construire des chemins, des réserves.... et les voilà tout à coup pris à partie par de jeunes Navajos qui veulent faire respecter leurs droits, et pas la charité.

      Enfin, dernier étape du chemin de croix de l'homme d'église, et non la moindre, voilà que se présente une jolie paroissienne, veuve, qui réveille la libido endormie de notre bon chrétien; il l'associe aux visites de charité dans un foyer de la banlieue noire, très pauvre de Chicago, où la belle Frances accumule les bourdes.... Et, de plus en plus, le pasteur lubrique s'imagine larguant Marion, son épouse dévouée pour rejouer avec Frances les amants juvéniles...

      Ah, Marion!! Elle lui a donné quatre enfants, elle l'a toujours soutenu, l'aidant à écrire des prêches souvent  peu convaincants, mais s'est bien gardé d'évoquer une jeunesse agitée où, maitresse d'un homme marié, ayant subi un avortement, elle était allée jusqu'à faire un scandale au domicile conjugal, pour finir par être internée.... mais voilà: elle a beaucoup grossi, elle se trouve moche, et rêve de retrouver l'amant sans scrupules de ses vingt ans. Et puis elle a eu une soeur qui a connu une petite réussite à Broadway et dont, forcément, elle est jalouse... Marion va changer de vie; elle remplace les repas par des cigarettes et envoie balader le mari infidèle.

      Et puis il y a les enfants: Clem, l'ainé, étudiant médiocre et sans grandes convictions, avec une amoureuse (dont il est pas ailleurs dingue!) envahissante, décide de larguer l'université pour s'engager au Vietnam (on est en 1971); il n'ira pas, au Vietnam, il se retrouvera à vivoter de petits boulots pénibles en Amérique latine.

      Becky, jolie fille sûre d'elle, la préférée de papa est pompom girl et star de la promo; elle réussit même à piquer à sa petite amie le garçon vedette, à qui un producteur a promis de faire enregistrer un disque. De plus, c'est elle qui a hérité de la tante théatreuse. Vous verrez où elle en est à la fin du roman....

      Perry, c'est le surdoué, qui sort des raisonnements brillants étayés sur la physique ou les mathématiques mais par ailleurs consomme en abondance et deale de l'herbe....jusqu'au jour où un vendeur lui fait découvrir la cocaïne qui lui bouffe quelques neurones.

      Bref, ce sont les misérables petits tas de secrets, les rancoeurs, les lâchetés, les incohérences d'une famille de la classe moyenne nord américaine, narrées sur ce ton badin, amusé, inimitable de Jonathan Franzen, qui rend dérisoire, même ridicules, des tourments de l'âme pourtant bien réels... parce qu'on sait bien que des conflits intimes à trois francs six sous peuvent être parfois aussi dévastateurs que de vrais drames. Russ, le fervent chrétien qui au lieu de se préoccuper de la guerre au Vietnam, du racisme et du déclassement de ce qu'on appelle maintenant les "minorités visibles" patauge dans ses mensonges minables est particulièrement pathétique. Tous, en tous cas, prient beaucoup, parlent beaucoup à Dieu, sauf Clem qui s'est découvert athée;

      Ce roman est le premier d'une trilogie où nous verrons, j'imagine, chacun grandir (y compris le dernier de la fratrie, jusque là inexistant). Maintenant, aurons nous envie de suivre sur trois livres les tribulations de la famille Hildebrandt qui n'est intéressante que par les couleurs dont Franzen les peinturlure? Pas si sûr.... Parce qu'à force de jouer au chamboule tout avec ses personnages, l'auteur a fini par nous les rendre tous assez antipathiques pour qu'on ne soit pas sur d'avoir envie de les retrouver. Oui, c'est drôle, c'est vrai, c'est cruel, Jonathan Franzen sait trouver des pépites dans ces cerveaux plutôt bas de gamme comme on retrouve des petits pois dans une cosse apparemment plate. Mais après???

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article